Illustration de la responsabilité entre deux navires amarrés par grand vent

C’est une évidence de le dire, mais vérifier à deux reprises la qualité de ses amarres - surtout par grand vent - est essentiel... d’autant que cela peut vous éviter d’être responsable en cas de collision. C’est l’expérience vécue par deux plaisanciers en baie du Lazaret.

Maître Jean-Bernard BOUCHARD, avocat en droit maritime et de la plaisance au barreau de Paris, intervient sur l’ensemble du territoire pour vous conseiller et défendre vos droits en cas de litige.

En l’espèce, un voilier prend la décision de s’amarrer sur un corps-mort à l’entrée d’un port en baie du Lazaret, sans prendre la précaution de contacter la capitainerie avant de s’y amarrer.

Vraisemblablement en raison d’un très grand vent, le chef de bord du voilier décide de quitter le navire et rejoint ainsi la côte. Il ne reviendra sur son navire seulement 24 heures plus tard... hélas trop tardivement.

Et pour cause, peu de temps après son départ, les amarres du voilier se sont rompues et partant à la dérive, le navire est entré en collision avec une vedette dans le port, l’entraînant alors contre la digue du port provoquant sa perte totale !

Le propriétaire du voilier expliquait alors ne pas être responsable dans la mesure où ce ne sont pas ses propres amarres qui ont fait défaut, mais la chaîne qui relie le corps-mort au bloc de béton situé au fond de l’eau qui s’est brisée.

Le propriétaire de la vedette a été indemnisé par son assureur qui s’est alors retourné contre le propriétaire du voilier, lui reprochant diverses négligences :

  1. n’avoir pas contacté la capitainerie avant de s’amarrer à un poste d’amarrage sur corps mort
  2. ne pas s’être assuré que le poste d’amarrage était en état et/ou disposait des caractéristiques suffisantes pour recevoir son navire
  3. ne pas avoir réalisé une surveillance active de son navire pendant plus de 24 heures malgré les circonstances [1]

La Cour de cassation, ne fait pas droit aux arguments de l’assureur de la vedette et ne retient pas la responsabilité du voilier dans l’abordage de la vedette.

En effet, la Cour retient tout d’abord que le voilier mis en cause n’était pas ancré mais amarré à un corps-mort dans une zone autorisée pour le mouillage et que l’abordage avec la vedette avait pour cause, non la rupture de l’amarre du voilier, mais celle de la chaîne de mouillage au niveau du bloc de béton posé au fond de l’eau, dont le propriétaire du voilier n’avait pas à vérifier la solidité.

La Cour écarte donc tout lien de causalité quant au fait que le propriétaire du voilier n’avait pas prévenu la capitainerie ou qu’il avait quitté son voilier.

Cet arrêt illustre indirectement la responsabilité des autorités portuaires à qui il incombe d’assurer un véritable service aux plaisanciers. Même si la question n’était pas directement posée à la Cour, on peut se demander si la responsabilité des autorités portuaires ne pouvait pas être recherchée en raison soit d’un éventuel mauvais entretien du corps-mort dont la chaîne s’est rompue ou, a minima, de ne pas avoir pris contact avec le propriétaire du voilier afin de l’alerter quant à l’impossibilité d’amarrer son navire sur ce corps-mort eu égard à ses caractéristiques.

Vous êtes propriétaire ou locataire d’un navire de plaisance ? en cas de litige n’hésitez pas à contacter Maître Jean-Bernard BOUCHARD :

Téléphone : 01 88 33 59 90

Décision commentée : Cass. com. 12 janvier 2022 n°20-14.135

[1La règle n°5 du RIPAM précise "Tout navire doit en permanence assurer une veille visuelle et auditive appropriée, en utilisant également tous les moyens disponibles qui sont adaptés aux circonstances et conditions existantes, de manière à permettre une pleine appréciation de la situation et du risque d’abordage"